Une campagne vient de se lancer en Europe pour obtenir de la BCE qu’elle mette son pouvoir de création monétaire au service de l’ensemble de la population. Par exemple en distribuant un dividende citoyen à tous les Européens. Explications.

Une vingtaine d’organisations de la société civile, des économistes et des militants appellent la Banque Centrale Européenne (BCE) à changer radicalement d’approche pour relancer l’économie de la zone euro.

Depuis mars dernier, la BCE à en effet démarré un programme de quantitative easing (assouplissement quantitatif), c’est à dire l’achat d’actifs financiers sur les marchés. Elle injecte ainsi 60 milliards d’euros par mois dans les marchés, essentiellement en rachetant des titres de dette souveraine aux banques afin de soulager leur bilan. Et pour l’instant, les résultats de cette politique de création monétaire demeurent insiginifiants pour l’économie réelle et sans aucun effet sur l’inflation.

Selon les partisans de la campagne quantitative easing for people (assouplissement quantitatif pour le peuple), il est temps que la BCE opte pour une stratégie plus directe et bien plus efficace. Au lieu d’inonder les marchés financiers avec des milliards d’euros consacrés au rachat de titres de dettes publiques aux banques commerciales ou aux sociétés d’assurances privées, la monnaie créée par quantitative easing devrait être injectée dans l’économie réelle. Soit en finançant des investissements publics essentiels tels que la transition écologique ou la création de logements sociaux. Soit en distribuant un dividende citoyen à tous les résidents. En y affectant les sommes actuellement créées par la BCE, un tel dividende citoyen permettrait de verser 175 euros par mois à tous les Européens pendant un an et demi. De quoi relancer immédiatement la consommation et soulager la situation des populations les plus précarisées.

Cet appel à un quantitative easing pour le peuple fédère plusieurs groupes à travers toute l’Europe, dont en particulier le réseau européen pour le revenu de base (UBI-Europe), le MFRB [1. Cette adhésion du MFRB à la campagne a été prise par le Comité d’Action du 26 novembre], Social Justice Ireland, World Future Council (Allemagne), FairFin (Belgique) ainsi qu’Alternatives européennes et le Collectif Roosevelt pour la France. (Voir la liste complète ici).

Selon Matthias Kroll, du World Future Council, « le programme de quantitative easing de la BCE s’est pour l’instant révélé totalement inefficace dans son objectif de faire remonter l’inflation à 2 %. » Pour lui, « inonder les marchés financiers fait gonfler les prix des actions et des obligations, ce qui rend les riches toujours plus riches, mais n’aide en rien les ménages et les entreprises. » Il considère en effet que « le quantitative easing contribue à alimenter une nouvelle bulle financière qui constitue le fondement d’une nouvelle crise financière à venir.» C’est pourquoi il est convaincu que « la zone euro a besoin d’un stimulus plus direct et, surtout, plus efficace. »

Malgré l’échec du quantitative easing jusqu’à aujourd’hui, de nombreux observateurs s’attendent à ce que la BCE annonce une augmentation de l’ampleur de son programme lors de la prochaine réunion de ses gouverneurs qui se tiendra jeudi 3 décembre.

Pour Eric Lonergan, un gestionnaire de fonds qui a beaucoup écrit sur le sujet, « cette campagne reflète un consensus grandissant sur l’inefficacité de la politique monétaire actuelle. Pour réaliser son mandat, la BCE doit se doter de nouveaux outils pour lutter contre la déflation. Les pays de la zone euro ont besoin de stimuler leurs économies sans augmenter la dette publique et privée, sans accroître les inégalités, et sans créer de nouvelles bulles financières. »

L’idée d’un quantitative easing pour le peuple fait son chemin depuis quelques années. L’idée avait été lancée par Steve Keen et Anatole Kaletsky en 2012 et, au début de cette année, dix-neuf économistes, dont plusieurs défenseurs du revenu de base, ont signé une lettre au Financial Times en soutien à cette mesure. L’idée entre ainsi clairement en écho avec certaines approches de financement du revenu de base à partir de la création monétaire (Lire ici).

Plus récemment, Pascal Riché, journaliste à l’Obs, écrivait : « Les centaines de milliards d’euros distribués par la BCE pourraient, s’ils étaient mieux dirigés, vraiment changer la donne économique. La création monétaire est un outil trop puissant pour être exclu du champ démocratique, trop important pour être confisqué par le monde de la banque. » (Lire ici).

La campagne qui démarre se fixe pour objectifs de créer une grande coalition de la société civile en soutien à l’idée d’un quantitative easing pour le peuple, d’approfondir le travail de recherche sur le sujet et d’influencer les décideurs européens pour aller vers la mise en place de cette mesure le plus rapidement possible.

Pour participer à la campagne, rendez-vous sur www.qe4people.eu


Photo : Mario Draghi, président de la BCE. © Parlement européen. Licence CC-NC-ND 2.0.